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Dans Sous terre (éd. Dargaud), l’auteur de bande dessinée Mathieu Burniat et le biologiste Marc-André Selosse invitent les lecteurs à une visite guidée inédite de ce monde souterrain encore mal connu.
« Vous rêvez d’être immortel ? De posséder d’incommensurables richesses et de régner en maître sur un territoire aussi vaste que les cinq continents ? Hadès, dieu des Enfers, cherche un(e) remplaçant(e). Se présenter à la porte A23 du monde des morts ». C’est par cette petite annonce pour le moins énigmatique que débute Sous terre. Réalisé par l’auteur belge Mathieu Burniat, avec les conseils scientifiques du biologiste Marc-André Selosse (membre du board du WLSF), ce docu-fiction en bande dessinée évoque le monde secret du sol. Une zone trop souvent oubliée et négligée par les humains, mais qui accueille pourtant l’une des plus importantes concentrations végétale et animale. « Le sol est un milieu difficile à observer, car il est opaque, et ses habitants sont minuscules », explique Mathieu Burniat. « En outre, il est associé au monde des morts et au “sale”. Darwin s’était intéressé aux vers de terre, mais la plupart des scientifiques ont longtemps préféré observer les oiseaux et les plantes… ».
De plus, comme le précise Marc-André Selosse, « la société occidentale s’est construite, depuis le XIXe siècle, sur la sortie de la terre et de la ruralité, par la migration vers la ville. Il y a donc un problème à la fois sensoriel et culturel ». Résultat : cet écosystème, qui est pourtant essentiel à la vie sur Terre, se retrouve aujourd’hui en danger, notamment en raison des conséquences néfastes de l’agriculture conventionnelle.
Le sol, un régulateur fragile
En compagnie de Suzanne, une adolescente de 16 ans qui se trouve réduite à une taille minuscule, le lecteur plonge la tête la première dans le sol. Il découvre très vite qu’il se passe de drôles de choses juste sous nos pieds. Ce monde caché est régi par des cycles immuables, qui assurent son équilibre et sa pérennité. Partout, des bactéries, des champignons, des acariens, des vers, ainsi que d’innombrables autres insectes, invertébrés, ou petits mammifères s’activent, afin de transformer tous les déchets organiques produits en surface. Sans cette vie grouillante, le sol ne serait ni assez riche, ni assez aéré, ni assez humide pour permettre aux plantes de pousser correctement. Et de répondre, au passage, aux besoins alimentaires de la faune, notamment des humains. « Le sol contribue à réguler le climat – ou à le déréguler, si nous l’utilisons mal. Il produit des gaz à effet de serre et réchauffe la Terre, ce qui permet de la rendre habitable. Mais si nous le maltraitons, entre irrigation et labour excessifs, il en produit trop, et cela contribue à dérégler notre climat », détaille encore Marc-André Selosse. « Le sol régule aussi le cycle de l’eau, laquelle gagne à son contact des éléments minéraux qui s’en vont nourrir les lacs et les mers. Il nourrit les animaux terrestres, y compris les êtres humains, car nous consommons des plantes qui y poussent, ou des animaux qui les ont mangées ».
La science pour tous
Comme dans ses précédents ouvrages, Mathieu Burniat fait preuve d’une incroyable inventivité narrative et graphique pour permettre au lecteur de s’identifier aux personnages, mais également pour lui transmettre le maximum d’informations possibles, par le biais d’un ouvrage de vulgarisation scientifique qui se veut ludique et accessible à tous. Sous terre est une bande dessinée à la fois fascinante – par sa dimension immersive et son érudition – et terrifiante – par le bilan qu’elle fait de l’activité humaine sur l’état de nos sols. Une pépite à découvrir d’urgence.