Share This Article
En associant des techniques indigènes aux méthodes de la permaculture, une ONG kényane parvient à assurer la sécurité alimentaire des agriculteurs, tout en préservant la biodiversité.
Dans les comtés de Kakamega et Vihiga, situés dans l’ouest du Kenya, le maïs est, depuis des générations, la culture de base qui permet de nourrir une population composée en grande majorité de petits exploitants agricoles. La céréale y est récoltée deux fois par an avec des techniques issues de l’agrochimie. Mais ces procédés très agressifs, qui consistent essentiellement en l’utilisation de produits phytosanitaires en grandes quantités, ont des effets désastreux sur l’environnement.
Non seulement les sols sont épuisés, mais la biodiversité est menacée. Sans compter les effets secondaires de la monoculture, en particulier sur le régime alimentaire, la santé, et les revenus des paysans. Les rendements baissent d’année en année, ce qui incite les agriculteurs à utiliser encore plus d’intrants, perpétuant un cercle vicieux qui pourrait affecter toute l’activité agricole de la région.
Des méthodes agroécologiques
Il y a quelques années, l’ONG kényane Bio Gardening Innovations (BIOGI) a lancé un vaste programme pour inverser cette tendance. Objectif : transformer les champs de maïs en forêts vivrières, et permettre aux agriculteurs d’améliorer leurs conditions de vie grâce à leur labeur. Pour mener à bien son projet, BIOGI s’est rapprochée de cultivateurs intéressés par les méthodes agroécologiques, avec l’idée d’associer des techniques indigènes et ancestrales aux dernières évolutions en matière de permaculture.
C’est ainsi qu’est né le projet de jardinage holistique d’Emuhaya. Telle une forêt sauvage, cette forêt vivrière s’organise selon une structuration en hauteur, avec plusieurs étages de végétation. La faune et la flore y entretiennent des relations riches et complexes, très peu perturbées par les interventions humaines. Contrairement à une forêt sauvage, la forêt vivrière a été pensée en amont, en y incluant des variétés d’arbres et de cultures utiles à la consommation personnelle des agriculteurs ou à celle de leurs bêtes.
L’ordre sans le contrôle
A Emuhaya, aucune association n’est donc laissée au hasard : le manioc pousse avec les haricots, tandis que les citrouilles grossissent à l’ombre des feuilles de maïs. De grandes rigoles de 60 centimètres de profondeur ont été creusées en travers de la pente, afin de capter et de retenir les eaux de ruissellement et de limiter l’érosion des sols. Le vétiver permet de consolider les berges de ces rigoles, grâce à ses racines puissantes et profondes.
Dans ces zones humides, d’autres variétés s’épanouissent tels l’arroche, le cocoyam, la patate douce, ou encore le potiron. Légèrement en retrait, des espèces plus grandes, essentiellement des bananiers et des papayers, finissent d’assurer la stabilité des rives.
Enfin, les déchets végétaux et les excréments d’animaux sont collectés pour bannir tout intrant chimique. Ils servent à produire un compost riche en nutriments, suffisant pour amender le sol. Tous ces efforts ont permis de restaurer la fertilité des sols et d’assurer un retour de la biodiversité. Ils ont aussi offert aux agriculteurs la possibilité d’améliorer leurs revenus, grâce à de meilleurs rendements et des aliments biodiversifiés. A ce jour, plus de 2.000 petits exploitants appliquent déjà avec succès les méthodes de l’ONG.