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Dans le sud du pays, une forêt luxuriante côtoie un paysage semi-aride, offrant un spectacle qui semble être né de la main de l’homme, mais qui est pourtant parfaitement naturel. Une étude menée par des chercheurs de l’université de Princeton révèle pourquoi…
Dans les régions les plus méridionales d’Afrique du Sud, il existe un paysage incroyable qui marque les esprits de tous ceux qui le découvrent pour la première fois. Alors que la composition géologique des sols, la topographie, l’apport en eau, le vent, ou encore l’ensoleillement y sont globalement comparables, les zones des provinces du Cap-Occidental et du Cap-Oriental voient se côtoyer deux écosystèmes radicalement différents au sein d’un même biome. D’un côté s’étend une forêt tempérée, luxuriante, et verdoyante, de l’autre s’étale le fynbos, un paysage de maquis semi-aride, qui n’est pas sans rappeler celui du pourtour méditerranéen. Entre les deux : une frontière claire et nette, comme il n’en existe aucune autre au monde. A titre de comparaison, en Afrique centrale, la zone de transition entre la forêt tropicale et la savane s’étale en moyenne sur plusieurs kilomètres. Mais cette excentricité biologique en cache une autre…
Une muraille de racines
Contre toute attente, le fynbos grouille de vie, puisqu’il abrite 7.000 espèces végétales composées d’arbustes, de buissons et d’herbes, dont 6.000 environ sont endémiques. Une densité absolument exceptionnelle que l’on ne trouve habituellement que dans les régions tropicales, dont l’humidité naturelle est particulièrement propice au développement de la vie.
Ce mystère alimentait depuis plus d’un siècle les débats au sein de la communauté des botanistes. Il est aujourd’hui en partie levé grâce à une étude des chercheurs Lars Hedin et Mingzhen Lu, de l’université de Princeton, publiée par l’Académie nationale des sciences. Les scientifiques révèlent que le fynbos a développé de manière exacerbée sa capacité à défendre son espace vital…grâce à ses racines. En raison de la pauvreté des sols, les plantes ont réagi en développant un réseau à la fois dense et profond composé de filaments très longs et extrêmement fins. Résultat : ces racines saturent les espaces souterrains, capturent tous les nutriments présents dans le sol, et empêchent toute espèce invasive de coloniser le territoire.
Des applications en agroécologie
L’exemple du fynbos peut être utile pour étudier les sols de façon plus globale, notamment en ce qui concerne leurs défenses face aux conséquences de l’activité humaine et leur régénération. En effet, ce cas illustre la capacité naturelle d’un écosystème à protéger ses réserves de nutriments tout en s’accommodant des contraintes limitatives du sol. Le fynbos nous apprend également comment un système racinaire complexe permet d’entraver la propagation d’espèces végétales invasives. Quoi qu’il arrive, à moins de détruire toute forme de vie originelle sur une parcelle de fynbos, celui-ci reprendra ses droits. Si l’on découvre que d’autres écosystèmes ou certaines plantes ont le même type de comportement, cela pourrait ouvrir de multiples perspectives sur la restauration des espaces naturels ou l’amélioration de techniques employées en agroécologie.