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Le géographe et philosophe a publié en janvier dernier un nouvel ouvrage sur la mésologie aux éditions Le Pommier. Cette discipline encore inconnue du grand public étudie de manière transdisciplinaire la relation des êtres vivants avec leur milieu de vie.
Pour les passionnés de géographie et de contrées lointaines, Augustin Berque n’est pas un inconnu, loin s’en faut. Ancien directeur de l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et seul Européen lauréat du Prix de la culture asiatique de Fukuoka au Japon, ce géographe et philosophe a marqué son époque. Il développe depuis longtemps une approche mésologique des espaces, une “science du milieu” liée à l’écologie et à la physiologie. « La mésologie (…) va replacer le sujet vivant, en particulier le sujet humain, dans ce qu’il perçoit de l’environnement pour en faire son milieu propre, dans les valeurs qu’il lui donne et dans le tissu des liens évolutionnaires et historiques qu’il a avec lui. Cela implique entre autres des questions éthiques », explique l’auteur.
Dans Entendre la Terre – À l’écoute des milieux humains, Augustin Berque se penche sur la façon dont les évolutions du monde affectent l’homme, plus particulièrement au Japon où il a beaucoup voyagé. « Un géographe doit sentir les lieux, les espaces dont il parle. Avant d’écrire sur les territoires, il doit les éprouver », souligne-t-il. Son livre est construit comme une conversation avec Damien Deville, géographe et anthropologue. Les questions permettent de ponctuer le récit, de digresser, mais aussi de revenir à des considérations basiques mais essentielles.
Une destruction du milieu et de la culture
Augustin Berque part d’un constat : le pays du Soleil levant a connu de profonds changements ces dernières décennies. Depuis les années 1950, l’industrialisation du territoire a mené à une urbanisation rapide et à une disparition des campagnes. Or ce changement brutal de paradigme, à travers la destruction du milieu naturel, n’est pas sans conséquence sur la civilisation japonaise : « La modernisation du Japon à l’occidentale a bafoué le principe qui avait historiquement guidé sa spatialité et sa temporalité : l’y-présence, autrement dit l’exaltation du lieu et du moment », regrette Augustin Berque.
Un exemple qui peut apparaître comme une mise en garde pour les autres pays. L’auteur invite le lecteur à questionner le mode de vie proposé par la société moderne et à habiter la Terre autrement en repensant territoires, architectures et démocraties. Il insiste également sur les conséquences du réchauffement climatique : « Aujourd’hui, notre grand problème, c’est qu’en détruisant notre milieu, nous risquons bien de nous détruire nous-mêmes », prévient Augustin Berque.
Mais loin de tenir un discours purement alarmiste, le géographe fait aussi la liste concrète de ce qui peut être fait pour tisser du lien dans nos sociétés individualistes, des voies pour évoluer dans ces mondes incertains, des solutions pour réparer le ciment de nos sociétés, mais également des possibilités architecturales et paysagères existantes pour réinventer l’environnement sans le dénaturer.